Hommage au cinéma par les Mots nomades
En mai dernier, pour leur café littéraire mensuel, les Mots Nomades ont rendu hommage au cinéma, au Bar Le Juillanais avec la complicité de Laurent Carle au piano.
La soirée a débuté par une belle évocation de Fellini, avec un medley de musiques de films composées par Nino Rota, Amarcord, La dolce vita, La strada et Huit et demi.
Alejandro a fait une réjouissante interprétation de "La dolce vita".
DU COTE DE LA MISE EN SCENE :
- Fellini : Fellini par Fellini ( Flammarion, Champs Contre-champ) Comment est née l'idée de La Strada (Natacha)
- Fellini : "Fellini par Fellini", répond à la question "Qu'est-ce que la lumière"
La lumière est la substance même du film, et c'est pourquoi, dans le cinéma, la lumière est idéologie, sentiment, couleur, atmosphère, récit.
La lumière est ce qui ajoute, qui efface, qui réduit, qui exalte, qui enrichit, nuance, souligne, fait allusion, qui rend crédible et acceptable le fantastique, le songe, ou au contraire, rend fantastique le réel, transforme en mirage la quotidienneté la plus grise, ajoute de la transparence, suggère de la tension, des vibrations.
La lumière dessine l'élégance d'une figure, glorifie un paysage, l'arrache au néant, donne de la magie à un fond de décor.
La lumière est le premier des effets spéciaux, considérés comme trucage, comme tromperie, comme enchantement, boutique d'alchimie, machine du merveilleux.
La lumière est le sel hallucinatoire qui, en brûlant, dégage les visions ; et ce qui vit sur la pellicule vit pour la lumière. (…)
Le film, on l'écrit avec la lumière, le style s'exprime par la lumière.
(Martine)
- Extraits de "Pourquoi filmez-vous? 700 cinéastes du monde entier répondent" - Numéro Hors série Libération, mai 1987
Agnès VARDA répond à la question « Pourquoi filmez-vous ? » (Martine)
Filmer, c'est faire l'artiste pour se sentir vibrante et que les spectateurs se sentent doués.
Je filme pour faire l'artiste.
Josiane BALASKO (Martine)
J'ai simplement envie de mettre en scène des personnages parfois oubliés par les auteurs : des femmes, pas des canons, pas des potiches, qui agissent et tentent de ne pas subir, qui n'ont pas leur langue dans leur poche, qui n'ont pas vraiment le temps de s'étendre sur leurs états d'âme, des femmes amoureuses, combatives, rigolotes, touchantes, des femmes quoi.
Pour s'aimer à égalité. Qu'elles trouveront parce que je veux et parce que c'est du cinéma.
- Marguerite DURAS (Natacha)
Pour le moment, je ne filme pas mais je pense à filmer.
Mes films, c'est entre quarante mille et cent mille spectateurs. Ça ne rapporte pas un sou. Mais ça fait le tour du monde.
On les trouve à Mexico, à Rio, à Vancouver, en Californie, à Hong Kong. Ce sont des films voyageurs.
Quelquefois, on ne les rend pas comme on fait des livres. Il faudrait qu'il y ait des écrivains du cinéma comme des écrivains des livres.
Pour faire la plupart des films qui paraissent, il suffit d'un scénariste et d'un producteur.
Si on veut continuer, il faudrait recommencer le cinéma, le faire avec des auteurs.
Benoit JACQUOT (Alejandro)
Je filme quand je peux, pas quand je veux.
Ainsi quand je peux, c'est pour moi un miracle et je m'incline : je filme.
Je filme pour retrouver à mon tour le film perdu.
Je filme pour seconder le monde dans le combat entre le monde et moi.
Je filme parce que j'ai quelquechose à taire.
Entretien avec Jean-Luc Godard ( Laurent Tirard : Leçons de cinéma) (Claude)
Le conseil que je donnerais aujourd'hui à quelqu'un qui veut devenir metteur en scène, c'est de filmer, tout simplement.
Dans les années soixante, ce n'était pas facile parce qu'il n'y avait même pas de super 8. Si on voulait filmer, il fallait louer une caméra 16 mm, et muette.
Maintenant il n'y a rien de plus simple que d'acheter ou emprunter une petite caméra vidéo. Il y a l'image, il y a le son, et on peut visionner ça facilement sur n'importe quelle télé.
Alors quand un jeune vient me demander conseil, ma réponse est toujours la même : « Prends une caméra, fais un essai et montre le à quelqu'un – un ami, une personne de ta famille, l'épicier d'en face, qu'importe.
Observe leurs réactions, et s'ils ont l'air de trouver ça intéressant, continue, fais un autre film. Cette fois essaie de raconter ta journée.
Mais trouve une façon de la raconter autrement. Parce que si ta journée se résume à « Je me suis levé, j'ai fait un café, j'ai passé un coup de fil à Josette, ets » et que dans le film, effectivement, on te voit te lever, faire un café et téléphoner à Josette, tu vas vite te rendre compte que ça n'est pas intéressant. Tu vas voir qu'il y a autre chose dans ta journée, qu'il y a une autre façon de raconter. Alors tu vas essayer autre chose et peut être que tu n'y arriveras pas. Dans ce cas, essaie encore une autre façon. Et peut-être que tu t'apercevras que, finalement, ça ne t'intéresse pas de filmer ta journée. Alors filme autre chose. Mais demande toi pourquoi. Si tu veux filmer ta copine, filme ta copine, mais fais le vraiment. Va voir comment les grands peintres peignaient les femmes qu'ils aimaient. Lis comment les grands auteurs parlent des femmes qu'ils aiment, et filme ta copine...
Claude Chabrol – Un scénario obéit à des règles précises. (Laurent Tirard : Leçons de cinéma) (Claude)
L'écriture d'un scénario obéit à des règles assez précises. Toujours dans le cas d'un premier film, il faut éviter, lorsqu'on le présente à un producteur à qui l'on réclame de l'argent …., qu'il ait l'impression d'avoir affaire à un amateur qui ne sait même pas présenter un scénario.
Il faut donc que le scénario soit présenté, dans la mesure du possible, comme un scénario professionnel, c'est à dire divisé en séquences. Personnellement, je déconseillerais plutôt d'y inscrire les indications techniques, parce que les producteurs, en règle générale, sont incapables de visualiser une description technique....
Il faut réaliser une dramaturgie littéraire ou théâtrale, ou un mélange ds deux. Mais cette dramaturgie doit … tenir compte des éléments rythmiques et musicaux que le film doit avoir....
« Là j'ai une scène assez lente, il faut que j'aille plus rapidement. »
Ou, au contraire, « Il faut que j'aille jusqu'au point mort. » ….
Certaines scènes peuvent paraître lentes mais sont,dramatiquement suffisamment fortes pour sembler rythmées... et réciproquement.
- Italo Calvini :" L'autobiographie d'un spectateur" (Claudine)
DU COTE DES ACTRICES :
Marilyn Monroe : Fragments (Points, 2012)
Marilyn MONROE : Fragment « Une actrice... » ( à deux voix par Natacha et Michèle)
Une actrice n'a pas de bouche
Pas de pieds
les épaules
pendent légèrement
pendantes
si...
relâchée
tout le corps
Concentrer mes pensées
sur le partenaire-
L'émotion au bout de mes doigts
Rien ne doit s'interposer
entre moi et mon
rôle- mon émotion -
concentration
sentir seulement
qu'on se débarasse de tout le reste
mon esprit parle
Pas de regards
le corps seulement
laisser aller – sentir le visage
l'esprit
l'âme
Pas de pose
Ecouter le corps pour
l'émotion
Ecoute avec les yeux
Flottement
Tension
Relâchement, aucun frein
laisser tout aller
Seulement sentir
Tout ce que j'ai à faire
est de le penser
Comment est-ce
que j'entends la chanson-
le ton naît de l'émotion
Ton
-
plainte et gémissement-
Je suis
(animaux : à la niche)
si malade
ronronnements d'un chat – ronronne- douce petite chatte
Cela commence depuis
la plante des pieds
pieds
Tout dans mes pieds
Avec quoi joue ma pantomine ?
Comment ça va ma tête ?
Natacha Carle-Bezsonoff : Actrice (pour Sabine Azéma)
À quoi tu joues pendant ce temps
À quoi tu penses en te démaquillant
T'es rousse
T'es douce
Toutes tes frimousses
T'es blonde puis t'es brune
Comme tout un chacune
Une bouche framboise
Des yeux de biche
Une peau caramel
T'es nue t'es crue
T'es dans les draps de la gloire
Tes mille regards
Tes mille sourires
Ta voix voilée
Ton rire grelot
Dans la boîte
Mais tu joues le malheur
Tu joues face au cercueil
Tu poses une fleur de pavé
Un refrain ancien
Une musique démodée
Tes larmes coulent derrière le clap
Te voilà prête pour la scène sans fard
Sans chef op sans réalisateur
Tu tournes pas, tu la vis cette fois
Le film est fini, le plateau désolé
Il va te manquer ton cinéaste ton oiseleur
Ton prestidigitateur charmeur
Tu te démaquilles
Et tu as cent ans ce soir
Ton visage ruisselle de toutes les vies
Que vous vous êtes données
Le cinéma te sourira
Ta bouche chevrotera un peu
Après le premier clap
De ton film prochain
Silence on tourne
On repousse le temps
On aime les visages
On règle les horloges
Aux éternels amours
On tourne !
www.lesmotsdenatacha.com
- Lettre d'Ingrid Bergman à Roberto Rossellini (Claudine)
" J'ai vu vos films, "Rome ville ouverte" et "Païsa" et je les ai beaucoup aimés. Si vous avez besoin d'une suédoise qui parle très bien anglais, qui n'a pas oublié son allemand, qui n'est pas très compréhensible en français et qui, en italien, ne sait dire que "ti amo", je suis prête à faire un film avec vous."
- Hommage à Catherine Deneuve, Jacques Demy et Michel Legrand : Chanson des "Parapluies de Cherbourg"
"Non je ne pourrais jamais vivre sans toi" (Laurent Carle, piano; Natacha, chant)
DU COTE DES FILMS :
- Claude Chabrol – L'accessoiriste. (Leçons de cinéma, Laurent Tirard) (Claude)
Machiniste, accessoiriste, petits métiers, très importants métiers....
L'accessoiriste doit faire preuve d'astuces..
A cet égard, j'ai un exemple fantastique.
Dans mon film, A double tour, j'avais un personnage qui commençait à perdre la tête.
Pour montrer cela, j'avais eu l'idée qu'une mouche vienne se poser sur la glace dans laquelle il se regardait.. et qu'elle se déplace selon itinéraire précis...
Question à l'accessoiriste : Comment faire cela ?
Ce qui lui paraissait difficile était d'amener la mouche à se poser là où je voulais.
Je lui dit que j'allais truquer au montage. Au moment où mon personnage faisait des grimaces, j'allais revenir sur lui, son regard se détournerait un instant, et il découvrirait la mouche.
« Alors, pas de problème. »
« Quel trajet, voulez-vous que la mouche suive sur le miroir ? »
« Le long du visage. »
« Bon, très bien. »
Au tournage, je vois la mouche suivre le trajet prévu !!!
Une vrai mouche !!
Il était derrière le miroir, avec un aimant, et il avait collé un petit aimant dans le cul de la mouche !!!
- A bout de souffle / Jean-Luc Godard : Extrait de dialogue (Alejandro, Natacha)
Avant d’expirer, allongé sur le bitume, Michel dit à Patricia :
— C'est vraiment dégueulasse.
N'ayant pas compris, la jeune femme demande aux policiers :
— Qu'est-ce qu'il a dit ?
À quoi on lui répond :
— Il a dit : vous êtes vraiment une dégueulasse.
— Qu'est-ce que c'est dégueulasse ? demande-t-elle enfin.
- Françoise Sagan : Bonjour tristesse (Alejandro)
en hommage à Jean Seberg qui jouait le rôle de Cécile dans le film tiré du best-seller de Françoise Sagan
- Fellini : Extrait du Satyricon (Alejandro)
- Marguerite Duras : India Song (Alain)
- Marguerite Duras : Textes sur les images muettes de Hiroshima mon amour d'Alain Resnais (Alain)
Un fil rouge lors de notre soirée : des répliques de dialogues de films de Michel Audiard :
pour exemple : Michel Audiard / Les tontons flingueurs
Non, mais t'a déjà vu ça ? En pleine paix, il chante et puis crac, un bourre pif ! Il est complètement fou ce mec.
Mais moi, les dingues, je les soigne. J'vais lui faire une ordonnance et une sévère
... J'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quat' coins d'Paris qu'on va l'retrouver éparpillé par petits bouts, façon Puzzle.
Moi, quand on m'en fait trop j'correctionne plus : j'dynamite, j'disperse, j'ventile.
- Sacha Guitry : Elles et lui (Rosa)
Et tout finit par des chansons -comme au générique de fin d'un film-Martine nous interprète la version féminine de la célèbre chanson de Claude Nougaro :
LE CINEMA
Sur l'écran noir de mes nuits blanches
moi je me fais du cinéma sans pognon et sans caméra
Brad Pitt peut partir en vacances
ma vedette c'est toujours toi
Pour te dire que je t'aime rien à faire, je flanche
J'ai du cœur mais pas d'estomac
c'est pourquoi je prends ma revanche
sur l'écran noir de mes nuits blanches où je me fais du cinéma
D'abord un gros plan sur tes hanches
puis un travelling panorama
sur ta poitrine grand format voilà comment mon film commence
souriant tu t'avances vers moi
un mètre quatre-vingt ,des biceps plein les manches ,tu crèves l'écran de mes nuits blanches
où je me fais du cinéma
me voilà déjà dans tes bras
le lit arrive en avalanche...
sur l'écran noir de mes nuits blanches où je me fais du cinéma
une fois, deux fois, dix, vingt fois je recommence la séquence où je te tombe dans les bras
je tourne tous les soirs y compris le dimanche
parfois on sonne, j'ouvre c'est toi...
vas -tu me prendre par les hanches comme sur l'écran de mes nuits blanches ?
Non, tu me dis : comment ça va ?
Et tu m'emmènes au cinéma....
voir aussi les photos de cette soirée sur le blog, rubrique "album-photo" ....
Prochaine soirée :jeudi 12 juin au Caminito San Pedro "Nez rouge" Venez faire les clowns...!